L’équitation française, un patrimoine vivant, et pour vous Jérôme Texier ?
Jérôme Texier est cavalier entraineur
– Quel est votre parcours équestre ?
Il a principalement été marqué par deux personnes, mon grand-père, producteur de cinéma et Edmond Reynaud, ami et élève de longue date de Nuno Oliveira. Mon grand-père avait deux passions : l’équitation et son métier. J’ai hérité de la première et mes sœurs de la seconde. C’est grâce à mon grand-père que je suis entré en apprentissage chez Edmond Raynaud. Lecteur assidu, j’ai très vite et donc, très jeune, rêvé de pouvoir réaliser un jour les airs extraordinaires qui avaient, à une époque, fasciné le monde équestre. Ayant eu la chance de croiser la route du cheval qui me le permettait, j’ai à 25 ans pu le présenter au galop sur trois jambes. J’ai aussi travaillé le galop en arrière, le pas espagnol en arrière sans les rênes et d’autres airs plus atypiques.
Comme le disait Josette Fabre, ces exercices ne sont que des « cerises sur le gâteau » ne pouvant être pratiqués que sur des chevaux ayant un physique adéquat et faisant preuve d’une appétence exceptionnelle pour ce genre de travail. Ils ne doivent pas être un but en eux-mêmes. Toutefois, ils m’ont permis de mieux comprendre certaines choses essentielles, mais je déborde sur votre deuxième question.
– Quels sont les principaux principes qui guident votre pratique ?
En préambule, je dirais qu’étonnamment, j’ai l’impression de ne pas avoir de principes particuliers et de les avoir presque tous. C’est peut-être l’avantage d’avoir une large culture équestre et pas mal de technique acquise dans diverses disciplines. J’ai eu la chance de faire des rencontres extraordinaires. Elles m’ont toutes beaucoup aidé. Je ne veux pas, par dogmatisme, m’enfermer dans certains principes, exception faite du calme. Avec les chevaux, il faut toujours rester calme.
Confronté à des redressages, différents des dressages, je me suis aperçu qu’en faisant comme les autres, on se heurtait aux mêmes problèmes qu’eux et qu’il fallait donc réfléchir autrement. Ma singularité est peut-être là : je m’adapte en fonction des moyens qui sont en ma possession. J’essaie d’utiliser les voies appropriées qu’il s’agisse du choix des lieux de travail (extérieurs, manège, …), des outils (choix de l’embouchure, utilisation ou non d’une badine, des éperons, …) et des techniques ou des exercices. Le tout sans a priori.
Bien évidemment, il y des incontournables dont, on y revient, le calme, mais aussi l’impulsion et la rectitude ; l’essentiel étant, pour chaque cheval, de trouver les voies pour y parvenir. On en revient à l’expérience et à la culture.
Je passe mon temps à m’adapter. Je ne travaille pas un cheval espagnol comme un pur-sang anglais. Je ne dresse pas comme je redresse. Chaque cheval est différent, il a ses points de force et ses faiblesses physiques et morales. Je veille à ne jamais demander trop à un cheval, à ne pas le lasser. J’essaie d’accepter chaque cheval comme il est. Par exemple, chacun a son passage. Il ne faut pas lui demander plus que ce qu’il peut donner. Tous les chevaux n’ont pas les mêmes aptitudes. Par exemple, certains pourront développer un piaffer brillant ; d’autres non !
Travailler un cheval, c’est l’appréhender dans toute sa singularité. Il en va de même des cavaliers. Je crois que l’équitation est quelque chose de singulier. Il faut que chaque couple trouve son chemin. Tous les cavaliers n’ont pas la même expérience, la même proprioception. Mais là encore je déborde sur votre troisième question.
– Quels sont les trois conseils que vous donneriez aux autres pratiquants ?
Comme le disait mon Maître, Edmond Reynaud, l’équitation c’est avant tout : comprendre, sentir et aimer. Les trois au même niveau.
Aller plus loin est délicat. Je ne donnerai pas les mêmes conseils aux uns et aux autres, à un enfant qui commence en poney club, à un cavalier amateur qui ne peut monter que quelques heures par mois en centre équestre, à un amateur qui n’a qu’un seul cheval, à un futur professionnel.
Aux premiers, je dirai de délaisser la rêne d’ouverture qui est trop souvent la « reine » du déséquilibre et regarder le nombre de cartouches d’airbag qui se trouvent dans la poubelle du club. Tomber un peu fait partie de l’apprentissage, trop questionne sur l’apprentissage !
Aux seconds, qu’il faut faire attention aux lectures, car il faut avoir assez d’expérience pour comprendre ce qu’on lit. Il faut donc savoir à quel moment lire et que lire.
Aux suivants, je dirai que le plus beau, ce n’est pas de briller avec son cheval, c’est de construire une histoire avec lui, de le comprendre et trouver ce qui leur convient à tous les deux pour parvenir à une équitation harmonieuse et, donc, élégante.
Aux futurs professionnels, je conseillerai de pratiquer plusieurs disciplines avant de choisir la leur, de changer d’horizon et de voyager !
De manière générale, j’ai aussi envie d’ajouter : arrêtez les paillettes ! Un cheval ne doit être un faire-valoir. Il faut éviter le clinquant et se concentrer sur la justesse.
Marcel Albertini
Edmond Reynaud


